Le Mung en 1789

A l’occasion des 230 ans de la Révolution française, nous vous proposons un condensé des événements de l’année 1789 en France, mois par mois, et à Le Mung. Si Le Mung existe bien avant la Révolution, c’est particulièrement en 1789 que la paroisse devient une commune. Aussi petite que notre commune soit, les quelques archives (privées, communales et départementales) que nous avons à notre disposition nous permettent d’imaginer notre petite histoire au sein de la grande.

En 1789, en la paroisse de Lemun, plus d’une centaine d’habitants se divise dans plusieurs villages, dont les noms restent d’actualité : la Maison Michelle, les Grandes Maisons, chez Boutet, les Monneraux, le Breuil ou encore La Lansonnière. Le curé est Gabriel Lanneau. Il est arrivé en 1772. Depuis 1775, le village dispose d’une église restaurée. Une litre noire a été tracée autour du choeur. La litre est un bandeau de peinture qui a pour objectif de marquer le deuil de la disparition d’un noble, en l’espèce M. de Turpin, décédé en 1766. Un clocher carré, couvert d’ardoises, flanque désormais l’entrée du côté nord. Au registre paroissial est fait mention du baptême de la cloche, offerte par Madame de Turpin et que l’on nomme « Julie ». La restauration a été réalisée par Boissié, maitre charpentier à Port d’Envaux pour la somme de 2050 livres. Les travaux ont porté sur les aménagements du ballet, du mur du cimetière et du clocher. Depuis 1776, le village dispose aussi d’un presbytère restauré, et aménagé « sur ses biens propres » par Gabriel Lanneau.

Le château, qui date du XVème siècle, est habité (probablement de manière ponctuelle) par la famille de Turpin et de Mac Nemara. 4 ans plus tôt, le 11 avril 1785, Dame Catherine Julie de Mac Nemara marquise de Turpin, dame du Mung, de la Roche Courbon et autres lieux, décède à l’âge de 58 ans. Elle est la marraine de la cloche. Sa fille, Catherine Julie décède le 19 juillet 1785. Le 30 juillet, c’est sa petite-fille, Anne Agathe, âgée d’un mois, qui décède également. En quatre mois, la dernière dame du Mung, sa fille et sa petite-fille disparaissent.

A l’ainé René Charles revient la seigneurerie du Mung, où l’on y trouve installé en 1789.

Janvier et février 1789 

L’année 1789 débute par un hiver rigoureux, sur toute la France. Le curé de Romegoux signale d’ailleurs sur le registre paroissial que « Dans la nuit du 17 au 18 décembre 1788, la Charente a gelé  et n’a pu être navigable que le 15 janvier 1789. Plusieurs personnes passaient sur la glace dans le port de Rochefort. La glace s’est trouvée avoir cinq pieds moins trois pouces d’épaisseur. Il y eut quelque neige avant Noël. La plus abondante fut le jour des Rois. Elle parut d’un pied de hauteur. Elle commença à fondre le vendredi 9 janvier à l’occasion d’un vent du sud et d’une pluie douce. Beaucoup d’avoines ont gelé ainsi que les gaborages, quelques chênes, le pain et le vin. L’hiver s’est fait sentir dès la Saint-Martin et surtout le 25 novembre. Heureusement que la terre n’était point trempée ».

Durant ces deux mois, la vie est paisible à le Mung. Aucune naissance, aucun mariage ni aucun décès ne sont recensés.

A Versailles, le 20 janvier, le roi convoque les Etats généraux.

Mars 1789

Villes, bourgs, baillages, paroisses, corporation doivent rédiger les cahiers de doléances, que leurs délégués recevront mandat de soutenir. Il n’y a pas de cahier de doléances connu comme propre à la paroisse de Le Mung. Toutefois, les habitants désignent André Yonnet et Pierre Panier pour les représenter à une assemblée provinciale préparatoire qui doit se tenir le 16 mars à Saint-Jean-d’Angély, afin précisément d’adopter les cahiers de la Sénéchaussée et d’élire les représentants des trois ordres aux Etats.

Le 23 mars, Thérèse Bironneau, âgée de 3 ans, est inhumée au cimetière qui jouxte l’église. Elle est décédée la veille. Ses parents, Charles Bironneau, laboureur à bras, et Thérèse Viaud, habitent la Maison Michelle. Pierre Patarin est présent pour déclarer auprès du prêtre la disparition de l’enfant.

Le 31 mars, Gabriel Lanneau baptise Marie Caillau, née le jour même. Ses parents, Pierre Caillau, laboureur à bras, et Jeanne Orgé, habitent les Grandes Maisons. L’enfant a pour parrain Jean Yonnet, et pour marraine Elisabeth Caillau. Marie est baptisée en présence de Jean Quéré et de Pierre Amiot.

Avril 1789

Le 6 avril Marie Rataud, âgée de 71 ans, décède. Elle est inhumée le lendemain. Epouse de Pierre Patarin, laboureur à bras, elle habitait chez Boutet. La déclaration de son inhumation se fait en présence de Pierre Parantau et de Louis Orgé.

Le 20 avril, l’église de Le Mun accueille le mariage de Pierre Bourret, journalier, veuf de Marie Toreau. Il habitait le village de la Thibaudière, à Saint Savinien. Pierre se marie avec Jeanne Prou, elle aussi également veuve, de Jacques Tard. Elle habite Chaudbois. Le curé leur a « imparti la bénédiction nuptiale, après que les dittes parties ont eu satisfait à leurs devoirs de catholiques, ne s’étant trouvé aucunes opposition ni empêchement ». Le mariage est prononcé en présence de Pierre Patarin, François Lorau, Pierre Quéré et Pierre Fragnaud.

Mai 1789

Le 5 mai, les Etats généraux s’ouvrent à Versailles. Ils sont composés de près de 1200 députés. Les Etats généraux, convoqués sur ordre du Roi dans des conditions exceptionnelles, ont ici pour but de résoudre la crise financière due aux dettes du Royaume. Sur les 1139 députés, 291 appartiennent au clergé, 270 à la noblesse, et 578 au tiers-état. Du 6 mai au 27 juin, les Etats généraux vont siéger, par ordres.

André Yonnet et Pierre Panier établissent un compte-rendu à leur retour des Etats de Saint-Jean d’Angély du mois de mars. En 1989, alors que le bulletin municipal de la commune faisait état justement de ce document, l’auteur précisait qu’ « un de nos concitoyens était encore en la possession de l’original ». Est-ce encore le cas ?

Voici le texte toutefois de ce compte-rendu, en respectant l’orthographe hésitante :

« Cayer doléance et des plainte et demande que nous avons fait le seize mars 1789 à lassemblée de St Jean dangéli par nous habitant de la paroisse de Lemung André Yonnet et Pierre Panier député que les dits habitan ont donné leur pouvoir a la porte de Léglize dudit Lemung audit Yonnet et Panier pour aller à Lassemblée provinciale de St Jean Dangéli qui cest faitte dans léglize des Jacopin pardevant M le lieutenant général et presidal du lieu en la compagnie des noble et les écléziatique que nous avons constaté aveq nos avocat les demande ci après :

                        « Art 1 – nous avons demandé au curéz qu’il se chargeraits de toute les réparation de léglize sil prenait les dime comme cy devant

                        « Art 2 – nous avons prepozé au curéz quil fut taxé a pris dargent pour chacun

                        « Art 3 – nous demandons que les curéz ne preinne point de foin de dixme dans les pré

                        « Art 4 – nous demandons que les curéz ne fasse point payé aucun casuel ny baptesme ni enterrement ni mariage

                        « Art 5 – nous demandons que les curéz ne dixme point dans la chambre (chanvre) ni dans le lin ni dans les agneaud

                        «  Art 6 – on demande que les convant d’homme qui sont vint soit réduit à dix et de dix a cinq

                        «  Art 7 – on demande que les convant de fille qui sont trante soit réduit à quinze

                        «  Art 8 – nous avons donné la lecture de notre cyé aux écléziatique mais ils nous ont fait refus de donné la lecture du leur

                        «  Art 9 – nous demandons que les curéz paye la taille suivant leurs revenus

                        «  Art 10 – nous demandons que la noblesse et seigneurs de nos paroise ne prenne point de terrage dans les pomme et toute sorte despèce de fruits ny non plus dans les branche des arbre qui sont sur les bords des chemin tenant à Lagrière ni non plus dans les javelle des vigne

                        «  Art 11 – nous demandon au seigneur quil nous soit permis d’annulé leur corvées en les des anizant ‘indemnisant)

                        «  Art 12 – nous demandon au seigneur quil nous soit permis de batis une maison ou moulin avant (à vent) sur Lagrière que ledit terrain sera estimé à vue desperts pour établir une rante de la maison ou moulin batis de plus nous demandon quil nous soit permis de tiré de la pierre sur laditte agrière pour faire batir cette maison ou moulin deplus nous demandon quil nous soit permis de vandre de la pierre tiréez sur Lagrière a mon voisin cest a dire dans toute létandue de la seigneurerie sans que ledit seigneur ne puisse rien demandé cependant si on voullet en faire un commerce de cette pierre horts de la seigneurerie il seroit juts dans donné un droits au seigneurs                                

   «  Art 13 – nous demandon que les seigneurs soit taxé à la taille suivant leur revenu

                        «  Art 14 – les seigneurs demande que la noblesse ne ce vande plus comme il a fait cy devant a pris dargent

                        «  Art 15 – les seigneurs demande que les logis qui ont esté vandu au roturiez soit revandu

                        «  Art 16 – les seigneurs demande quil leur soit permis de faire commerce

                        «  Art 17 – les seigneurs et curés et le tiers état demande que lintendant et subdélégué et tout les commis soit supprimé

                        «  Art 18 – Mesieur les seigneurs nous ont donné la lecture de leur cayé et le tiers Etat a donné la lecture du sien a mesieurs les seigneurs

                        «  Art 19 – nous avons nomé à lassemblée provincialle de St Jean dangéli par aller Versaille soutenir le tiers estat M le Lieutenant général et présidant de St dangély et M Renaud avocat a St dangéli

                        « A Lemung le 31 mai 1789 »

«  Il a fait cette année icy un grand hivert qui a gelé le pain le vin la rivière et toutes les avoine et orge. Cependant il y a eu une grande abondance de grain et vin. Ce jour au mois de may de cette année 1789 le pain a valu trois sols neuf deniers la livre et le froment tant livre ont a voullu le mettre a quatre sols la livre mais il y a eu une grande révolte à Rochefort et ailleur ce quil a fait remettre le pain a trois et demi la livre »

Le représentant du clergé était le curé de Moragne, Simon Landreau. Quant au représentant de la Noblesse, c’était le marquis Charles Grégoire de Beauchamp.

Juin 1789

Le 18 juin, Jean Jouslain, laboureur à bras, et Marie Coudaire font baptiser leur fils Louis Jouslain, né la veille. Le couple habite les Monneraux. Le parrain de l’enfant est Louis Bironneau, la marraine Marie-Anne Garlopaud. Le baptême se fait en présence de Louis Mulon et de Jean Quéré.

Le 20 juin, lors de la séance dite du Jeu de Paume, les députés se promettent de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une constitution pour le pays.

Le 23 juin, alors que le roi ordonne à Versailles la dispersion de l’Assemblée qu’il déclare inconstitutionnelle, Jean Denéchaud, laboureur à bras, et Geneviève Fraignaud font baptiser par Gabriel Lanneau leur enfant né la veille, Jean. Le couple habite le village du Breuil. Le parrain du baptisé est Jean Denéchaud (le père du marié), et la marraine Marguerite Favrau. Le baptême se fait en présence de Pierre Marsay et de Pierre Fraignaud.

A Paris et Versailles, le 27 juin, les trois ordres se réunissent en une Assemblée nationale constituante, afin de rédiger la constitution écrite.

Juillet, août et septembre 1789

L’été mélédunien est paisible, car aucune naissance, aucun mariage et aucun décès ne sont recensés dans les registres paroissiaux.

A Paris, la Bastille est prise le 14 juillet. Le temps est ensoleillé. Durant le mois d’août, l’Assemblée nationale constituante décide que la Constitution sera précédée d’une déclaration des droits. Du 20 au 26 août, elle vote le texte qui devient la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Octobre 1789

Le mois d’octobre voit le baptême de trois nouveaux nés, et une inhumation.

Le 2 octobre, est baptisé Jean Basset, né de la veille. Ses parents, Pierre Basset et Catherine Léveillé, habitent le bourg. Son père est gardien de la baronnie de Le Mung. Le parrain de l’enfant est Jean Yonnet, et la marraine Marie Guillot. Le baptême se fait en présence de Pierre Quéré et de Pierre Fraignaud.

Le lendemain, Gabriel Lanneau baptise Rosalie Fricaud, elle aussi née la veille. André Fricaud, laboureur à bras, et Marie Garlopeau sont ses parents. Ils habitent le village des Tartres. Son parrain  et sa marraine sont Pierre et Catherine Garlopaud. Le baptême se fait en présence de Chrysogone Parantau et de Jean Quéré.

A Paris, le 5 octobre, une foule, composée majoritairement de femmes, se rend à Versailles. Le 6 octobre, à 13 heures, le roi quitte Versailles pour Paris, accompagné de toute la famille royale. Le roi et sa famille s’installent aux Tuileries.

Le 13 octobre, Marie Caillaud, épouse de Pierre Orgé (laboureur à bras) est inhumée. Le couple habitait le village des Abelins. L’inhumation se fait en présence d’Eslie Millet et de Pierre Martin. 

Enfin, le 31 octobre est baptisé Louis Millet, fils d’Elie Millet qui était présent lors de l’enterrement de Marie Caillaud, 18 jours plus tôt. Laboureur à bras, sa femme est Jeanne Orgé. Le couple habite les Abelins. Le parrain de Louis est Louis Orgé, et sa marraine Catherine Denéchaud. Le baptême se fait en présence de Simon Panié et de Pierre Quéré.

Novembre 1789

Le 2 novembre, les biens du clergé catholique sont nationalisés et mis à la disposition de la Nation.

Journalier, fils d’Antoine Boutet et de Marie Baudet, Jacques épouse le 3 novembre Thérèse Quéré, fille de Pierre Quéré, pescheur, et de Thérèse Lézineau.

Le 9 novembre, Pierre Grelaud, âgé de 3 ans, est inhumé dans le cimetière jouxtant l’église. Il est mort la veille. Son père est Jean Grelaud, le passager du bac de le Mung. Sa mère est Luce Gémond. Le couple habite le village du port. La déclaration de l’inhumation se fait en présence de Pierre Lézinaud, qui ne peut signer.

Le 17 novembre, Pierre Boursicot, fils de Pierre Boursicot (laboureur à bras) et de Jeanne Octau (le couple habite Romegoux) épouse Marie Amiot. Marie Amiot est fille de Pierre Amiot, laboureur à bœufs, et de Marie-Françoise Mullon. Ce mariage est la dernière célébration de l’année de Gabriel Lanneau recensée sur le registre.

Décembre 1789

Les lois du 14 et du 22 décembre 1789 établissent les municipalités et les départements. Notre département s’appelle dans un premier temps Aunis et Saintonge. Il est rebaptisé Charente-Inférieure par le décret du 26 février 1790.

Conclusion

En 1789, la paroisse puis la commune de la Mung a connu 6 baptêmes, 3 mariages et 4 enterrements. La vie a continué son long fleuve tranquille. Même si la commune a vécu, à son échelle, les prémisses et les conséquences de la Révolution française. Quelques mois plus tard, en 1790, le Mung élit son premier maire, André Yonnet. François Bitaud et François Guillot sont les officiers municipaux. Quant à Pierre Panié, il est nommé procureur.

Gabriel Lanneau est le dernier prêtre résident au presbytère. Il se retire en février 1791, après avoir refusé de prêter serment à la constitution civile du clergé.


L’article a été écrit à partir des recherches entreprises par Messieurs Henri Cavaud et René Oui.

Haut de page